Ce week-end à Berloch, chez mon père, a été marqué par une tension palpable et des remarques blessantes. Donc ce qui aurait dû être une visite paisible s’est transformé en une série de critiques et de jugements qui ont lourdement pesé sur moi qui sort de 3 semaines de léthargie.
Parmi les reproches, mon père s'est emporté lorsqu'il m'a vu arriver avec 30 œufs avec l’idée de préparer une salade de pommes de terre aux œufs avec Claudie (sa compagne). Cette initiative, pourtant simple et conviviale, a été accueillie avec froideur et mépris. Le reste des œufs était destiné à chez moi (car j’en ai assez pour tenir tout le mois) et c’est à la fois pratique et économique : en les achetant par 30, le coût à l’unité descend à 0,17 €, bien moins cher que de les acheter par 6 ou par 12. Malgré la logique de ce choix, le "daron" n’a vu qu’un prétexte pour se moquer et m'a dit qu'avec mes faibles ressources, c'était insensé d'acheter 30 d'oeufs d'un coup. Mais ça change quoi à mon budget si je les achète une fois par mois ou quatre fois par mois par douzaine ? Il en a presque fait une affaire d'état et j'étais dans un état de sidération.
Un autre point de friction a été la salle de sport. Le coût de 42 € par mois (qui correspond au coût d’une baguette quotidienne sur un mois que je n'achète pas car je ne mange pas de pain) l'a fait sortir de ses gonds Pourtant, cette activité m’est essentielle, tant pour ma santé physique, particulièrement depuis mon accident neuropathique (d'ailleurs le médecin avant que je sorte de l'hôpital m'avait vivement conseillé de m'inscrire dans une salle), que pour ma vie sociale. Aller à la salle de sport me permet de rester actif, d’entretenir mon corps et de rencontrer des gens. De plus, n’ayant pas de voiture, mon budget carburant et réparation est égal à zéro, c'est quand même un plus par rapport au commun des mortels et ça me permet d’investir dans ce qui compte vraiment pour mon bien-être (je n'ai pas de frais de chauffage et d'eau non plus). Ces choix, pourtant fondamentaux pour ma qualité de vie, ont été perçus par mon père comme des erreurs. Ce genre de remarques, répétées avec insistance, a fini par rendre l’atmosphère oppressante.
Pour ne rien arranger, je choisis également d’éviter d’aborder certains sujets avec lui, comme mon trouble bipolaire. Sachant qu’il ne comprend pas ce genre de chose et qu’il aurait sans doute réagi avec dérision, j’ai préféré rester silencieux sur ce point. Cette retenue contribue à creuser davantage un fossé entre nos façons de voir le monde, rendant les échanges encore plus complexes. Au passage bien que sceptique depuis longtemps, j'ai vraiment réalisé que j'étais bipolaire ce mois de mars. J'ai effectivement été dans la gaz après trois mois d'euphorie. Mais paradoxalement ce weekend à Berloch pendant lequel j'étais presque sans cesse dans l'affrontement m'a un peu réveillé. Je me sens très bien ce soir et au passage je fermerai intégralement mes volets car je ne supporte pas l'heure d'été (et l'été en général).
Et puis les critiques sur mes choix alimentaires, ma gestion d’une crevaison de vélo (je pourrais en faire toute une note), et même des sous-entendus sur ma vie quotidienne, ont progressivement alourdi l’atmosphère. Ces jugements incessants, combinés à son expression fétiche dans le genre “t’es vraiment incroyable”, déguisée en antiphrase, ont rendu les échanges de plus en plus difficiles à supporter. Sinon bien qu'il ne soit jamais rentré dans mon appart (il est en fauteuil roulant et j'habite au premier), il a dans l'idée que mon appart est dégueulasse. C'est vrai qu'il l'a été mais aujourd'hui j'utilise 2 litres d'eau de javel par semaine.
Bien qu’il était prévu que je reste jusqu’au déjeuner ce dimanche (faux filet avec frites), j’ai pris la décision de partir avant le repas. Il n'a évidemment pas bien pris cette décision qui l'a pris de court en voyant une preuve de mon "déséquilibre mental" (sic) ajoutant que j'étais "complètement fou" (sic), alors que pour moi, ce départ représentait une nécessité pour fuir ce climat oppressant.
Malgré les tensions, je souligne que la compagne de mon père, Claudie, a été très aimable avec moi tout au long du week-end. Elle a tenté, dans la mesure du possible, de me consoler et de m’apporter un peu de réconfort face aux remarques parfois dures de mon père. Son attitude bienveillante a été un véritable soutien.
Pour autant, je n’ai pas l’intention de couper les liens. J’envisage de revenir deux jours à Berloch très prochainement, cette fois avec mon vélo électrique. Cela me permettra d’aller me promener au bord du Blavet et de profiter de moments plus sereins (le halage du Blavet me rappelle mes années au début de mon adolescence lorsque j'allais lire des Agatha Christie ou de Patricia Highsmith sur l'île de Manerven ou sur un ponton).
Mon père, comme moi, n’est pas rancunier, ce qui laisse la porte ouverte à des interactions futures, même si elles resteront complexes et souvent limitées à des discussions autour du football ou autres futilités. Et malgré toutes les tensions, j’ai pour lui un profond respect. Il a traversé des épreuves au cours de sa vie, et je lui souhaite une longue et paisible existence évidemment. Et malgré son handicap je le vois vivre longtemps.
À ma grande surprise, une fois rentré chez moi, mon père m’a envoyé un message WhatsApp (je lui expliqué comment ça marcchait il y a quelques jours) pour me demander si je voulais qu’il lave mon linge. Cette proposition qui m'a beaucoup surpris semblait être un mélange d’une critique implicite (de l'état de mon linge peut-être) et sans doute, aussi, une tentative d’excuse pour son comportement du week-end. Pour ma part, je n’ai aucun souci avec ça : je lave mon linge tous les 15 jours dans un lavomatic de Auray et cette organisation me convient parfaitement.
Ce qui rend cette situation encore plus difficile, c’est de constater la différence de traitement entre ma sœur Rozenn et moi. Mon père la considère tout autrement, presque à l’opposé de moi. Lorsqu'elle vient à Berloch (pas souvent puisqu'elle habite assez loin), c'est un peu la "star système" (comme je disais avant). Il la met sur un piedestal, là où moi, je suis souvent perçu comme la brebis galeuse. Mes errances depuis mon divorce en 2018 l'ont totalement dérouté.
Pourtant, au-delà de tout ça, il a fallu mobiliser une force mentale immense pour traverser ce week-end, pour ne pas me laisser emporter par les émotions négatives et pour garder intact le respect que je me dois à moi-même. Ce retour à vélo (un vieux vélo que j'ai trouvé dans le garage) était bien plus qu’un simple trajet. C’était une déclaration silencieuse pour affirmer que mes choix, mes besoins et ma dignité méritent respect. Avec le temps, il est difficile de voir à quel point mon père, à 80 ans, s’est transformé en une personne aigrie et acariâtre, loin de l’homme plus chaleureux qu’il était autrefois. Ça rend notre relation de plus en plus complexe à gérer.
J'écris tout ça et je réalise que ce sont des sujets très personnels mais jamais je ne partagerai ce que je publie ici sur les réseaux. Les blogs sont un peu dépassés mais ils ont l'avantage d'être confidentiels donc on peut dire ce qu'on veut, les quelques anonymes qui y passent n'ont pas d'existence réelle pour moi car plus que jamais je suis solipsiste !
Colin B, dimanche 30 mars 2025, 18h36
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